Inceste: le récit de Camille Kouchner, a créé une onde de choc nécessaire
Il y a un an, le livre de Camille Kouchner, « La familia grande », révélait l’inceste au cœur d’une famille puissante, créant une onde de choc dans toute la société qui a fait progresser la protection des enfants.
Dans un récit paru au Seuil le 7 janvier 2021, la fille de l’ancien ministre Bernard Kouchner et de la professeure de droit Evelyne Pisier dévoilait l’inceste commis sur son frère jumeau par son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, ancien eurodéputé PS, un homme influent habitué des plateaux de télévision.
Ce succès de librairie, qui paraît vendredi en poche, a créé une onde de choc : Olivier Duhamel a démissionné de ses fonctions et reconnu les faits devant les policiers, même si le parquet a classé l’affaire sans suite pour prescription.
Surtout, il a entraîné sur les réseaux sociaux une flambée de témoignages sous le mot-dièse #MeTooInceste, faisant prendre conscience que l’inceste ravageait depuis des décennies des milliers de vies. Des personnalités sont aussi mises en cause, comme l’acteur Richard Berry, accusé d’inceste par sa fille, ce qu’il a nié.
Depuis, la loi a été changée et une commission indépendante lancée pour orienter l’action publique contre un fléau dont seraient victimes 160.000 enfants chaque année.
« Les victimes ont toujours parlé mais n’étaient pas entendues. Ce livre a eu un impact majeur car il est arrivé à un moment où la société était prête à entendre les victimes des violences sexuelles, à la suite du mouvement #MeToo », explique Nathalie Mathieu, coprésidente de cette Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a reçu quelque 8.000 témoignages depuis septembre.
Lors des réunions publiques qu’elle organise chaque mois à travers la France, —la prochaine à Lille le 11 janvier– –, des dizaines d’anonymes prennent le micro pour raconter comment l’inceste passé les empêche encore de vivre.
Pour les associations, ce mouvement a permis un grand pas en avant : la loi d’avril 2021 a établi qu’en-dessous de 18 ans, l’enfant victime d’inceste par un ascendant n’a plus à établir qu’il n’était pas consentant. « Auparavant l’adulte pouvait plaider le consentement de l’enfant », explique Patrick Loiseleur, vice-président de Face à l’inceste.
Autre progrès, le gouvernement a précisé dans un décret en novembre que pendant une enquête judiciaire sur des allégations d’inceste, les mères qui refusent de confier leur enfant au père soupçonné ne doivent pas être poursuivies, comme le préconisait la Ciivise dans sa première recommandation en octobre.
L’enjeu est de protéger les enfants : à l’école, des actions de détection et de prévention doivent être organisées à l’entrée au primaire et du collège.
Vigilance collective
Saluant ces « pas en avant », les associations veulent aller plus loin.
« Il faudrait organiser systématiquement dans les écoles des réunions d’information où l’on définit l’inceste et fait connaître aux enfants leurs droits. Quand elles ont lieu, il y a systématiquement un ou deux enfants qui viennent se signaler dans les heures qui suivent », explique M. Loiseleur.
« Nous, les adultes, devrions avoir une vigilance collective accrue envers les enfants, on devrait se reprocher de ne pas voir, de ne pas entendre, de ne pas dénoncer », observe Camille Kouchner dans un entretien paru jeudi dans Elle.
« Un enfant qui va mal, qui grossit, qui est mutique, qui ne dort plus, ça se voit, c’est la responsabilité des adultes. Et pourtant aujourd’hui le système ne repose que sur le jour où l’enfant donnera de la voix », ajoute-t-elle.
Le parent soupçonné, voire condamné pour inceste garde souvent l’exercice de l’autorité parentale sur sa victime, fustigent les associations, qui demandent qu’elle lui soit « systématiquement » retirée.
« C’est difficile de dénoncer son père, mais encore plus lorsqu’on doit aller chez lui le week-end et qu’il fait pression sur vous, mettant l’enquête en danger. C’est une des raisons pour lesquelles il y a tant de classements sans suite des plaintes, un taux évalué à 70 % », indique l’avocat Pascal Cussigh, président de CDP Enfance, membre du Collectif pour l’Enfance, qui compte 38 associations mobilisées contre l’inceste.
« Pour son orientation scolaire, ouvrir un compte bancaire, se faire soigner, l’enfant a besoin de l’autorisation de son père, qui est parfois en prison pour inceste, et maintient ainsi son emprise sur lui », relève Nathalie Mathieu.
Source : Inceste: le récit de Camille Kouchner, a créé une onde de choc nécessaire