Appel pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs – Moi aussi amnésie

Appel pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs – Moi aussi amnésie

 

Nous relayons ici l’appel de 59 victimes de viols et d’agressions sexuelles lorsqu’elles étaient enfants.

Cet appel a été publié le 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant, dans une tribune par LeMonde.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/11/20/nous-reclamons-l-imprescriptibilite-des-crimes-et-agressions-sexuelles-sur-mineurs

 

“Nous réclamons l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuelles sur mineurs”
Un collectif de victimes de violences sexuelles au cours de leur enfance demande, dans une tribune au “Monde”, l’abandon du droit à l’oubli pour leurs agresseurs.

Par Collectif

Tribune. Nous avions 4 ans, 5 ans, 10 ans, 12 ans, voire, parfois, moins de 1 an… Nos petits cerveaux ont occulté l’horreur des viols ou des agressions sexuelles. Parfois pour des dizaines d’années à cause d’une amnésie traumatique. D’autres se sont protégés par le déni, se sont tus par terreur, impuissance, honte, culpabilité, souvent reclus dans un huis clos familial étouffant où évoluaient nos agresseurs, père, mère, grand-père, grand-mère, oncles, tantes… incestueux tout-puissants.

Nous sommes devenus des adolescents à part et en souffrance

Les années ont passé. Nous sommes devenus des adolescents à part et en souffrance. Certains se sont privés de nourriture ou au contraire ont dévoré tout ce qui leur passait sous la main pour oublier et déformer leur corps souillé.

D’autres se sont enfermés dans des phobies, ont été minés par des peurs et angoisses insurmontables ; se sont scarifiés ou livrés en pâture à d’autres agresseurs sexuels dans un état second, où les ont conduits les viols précoces ; sont tombés dans l’abstinence, préférant une solitude totale plutôt que toute relation pouvant réveiller le cauchemar de leur enfance.

Reflets d’un passé brisé
Un certain nombre enfin ont choisi les paradis artificiels : alcool, drogue, car il y eut aussi des souffrances physiques abominables, un impact somatique considérable des viols sur notre santé. Nombreux n’ont pas survécu à ce chaos. Ils se sont ôté la vie.

L’impact originel du lien humain saccagé a également pesé sur nos diverses relations amicales ou professionnelles

Et puis nous sommes devenus des adultes isolés ou aux prises avec des histoires de couple impossibles, une vie sexuelle souffrante aboutissant à des grossesses à risque. Et d’importantes difficultés dans l’éducation de nos enfants, reflets malgré eux parfois ingérables d’un passé brisé.

L’impact originel du lien humain saccagé a également pesé sur nos diverses relations amicales ou professionnelles. Ici des victimes de harceleurs en tout genre, d’autres en burn-out, perdues dans une course effrénée pour réparer une faille narcissique précoce. Sans compter aussi celles et ceux, sortis d’amnésie après de longues années de trou noir, qui ont été emportés par une vague de souffrance insubmersible ayant envoyé nombre d’entre nous en hôpital psychiatrique. Le coût d’un acte sexuel qu’aucun adulte ne devrait jamais commettre sur un enfant a été rude.

Choix sociétal majeur
Un jour, quand nos vies cabossées se sont stabilisées, nous avons souhaité faire appel à la justice. Et là, stupeur !, nous avons découvert que les crimes que nous avions subis étaient prescrits, c’est-à-dire que nos agresseurs avaient un droit à l’oubli. Un droit à l’oubli pour des crimes qui nous brûlaient encore dans notre chair.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Jamais un enfant ne peut donner un consentement éclairé à des relations sexuelles avec un adulte »
Et cela nous ne pouvons pas le tolérer. C’est pour cette raison qu’en cette Journée internationale des droits de l’enfant, pour toutes les générations passées, actuelles et futures, nous réclamons l’imprescriptibilité des crimes et agressions sexuelles sur mineurs, voire de tous les crimes infantiles.

Le Chili, la Californie, la Suisse, entre autres, l’ont fait… il s’agit d’un choix sociétal majeur. Il s’agit de dire à tous les agresseurs d’enfants que désormais ils auront des comptes à rendre jusqu’à la fin de leurs jours. Les victimes devant, quel que soit le temps qui passe, gérer les séquelles à vie.

Source : Appel pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs – Moi aussi amnésie

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