Interview de Pascal Cussigh, président de CDP-Enfance par Enfance Jeunesse info. Extrait

Interview de Pascal Cussigh, président de CDP-Enfance par Enfance Jeunesse info. Extrait

Interview de Pascal Cussigh, président de CDP-Enfance par Enfance Jeunesse info « Pourquoi ce qui a été possible en 2010 pour protéger les femmes victimes de violences semble impossible pour les enfants en 2024 ? » Extrait

Pascal Cussigh, avocat pénaliste et président de CDP- Enfance (Comprendre, défendre et protéger l’Enfance) déplore le choix du Sénat du 13 novembre d’étendre l’ordonnance de protection aux enfants plutôt que de créer une ordonnance de sûreté pour les mineurs victimes de violences.

En quoi le refus des sénateurs d’instaurer une ordonnance de sûreté met-il en péril la protection des enfants victimes de violences? 

Pascal Cussigh. On encourage les enfants à briser le silence, à trouver la force de dénoncer les actes dont ils sont victimes, mais on ne les protège pas. On ne les met pas en position de pouvoir libérer leurs paroles. Dire à un enfant, << explique-moi ce que ton père t’a fait » et puis lui dire, quelque temps après, << il faut quand même que tu retournes avec lui le week-end prochain ou pendant les vacances >> revient à le mettre dans une situation intenable. Le trauma lié aux violences sexuelles est souvent comparé au trauma subi par les victimes d’actes de terrorisme. 

Scientifiquement, il y a une analogie entre les deux. C’est une aberration de demander à un enfant, marqué par des traumatismes aussi profonds, de revivre tous les 15 jours une épreuve comparable à celle vécue par les victimes dans la fosse du Bataclan. 

 » IL EST INACCEPTABLE D’ATTENDRE 12, 18, 24 MOIS POUR ENVISAGER DE METTRE L’ENFANT À L’ABRI  » 

Chaque plainte ou signalement implique qu’un enfant a eu le courage de dénoncer les violences subies, le plaçant ainsi en situation à risque face à son agresseur. Il est inacceptable d’attendre 12, 18, 24 mois pour envisager de mettre l’enfant à l’abri. L’ordonnance de sûreté vise à instaurer un mécanisme permettant au procureur de la République, dès réception d’un signalement ou d’une plainte, de saisir en urgence le juge des affaires familiales (JAF) afin qu’il statue sur la suspension des droits parentaux de l’auteur présumé des violences. C’était tout l’enjeu de la préconisation n° 26 de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Cette intervention, dès le début de l’enquête, sans attendre l’issue de la procédure pénale, est cruciale pour assurer la sécurité immédiate de l’enfant. En agissant rapidement, on évite aussi que l’enfant ne soit soumis à des pressions psychologiques susceptibles de modifier sa version des faits.

La proposition de loi initiale de la sénatrice (RDSE) des Hautes-Pyrénées Maryse Carrère répondait-elle à vos attentes ?

Pascal Cussigh Non, pas complètement. Le vote du Sénat conditionne la protection de l’enfant à l’existence d’un parent protecteur. Cette vision restrictive de la protection de l’enfance laisse entendre que cette responsabilité incombe uniquement aux parents et non à la société dans son ensemble. Le parquet est chargé de protéger les intérêts de la société, notamment ceux des enfants. L’ordonnance de sûreté, telle que nous la concevons, aurait le mérite de remettre le parquet au centre du système de protection. Elle permettrait d’identifier un magistrat en charge de la protection de l’enfant dès le début de l’enquête. Cette mesure aurait également l’avantage d’imposer aux JAF, comme ce fut fait pour les femmes victimes de violences, de fonder leurs décisions sur la simple vraisemblance des violences, indépendamment de l’issue de l’enquête pénale. Pourquoi ce qui a été possible en 2010 pour protéger les femmes victimes de violences semble impossible pour les enfants en 2024 ? Ce constat est révélateur de l’état désastreux de notre système de protection de l’enfance. […]

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