Affaire Pauline Bourgoin
AFFAIRE PAULINE BOURGOIN
L’association CDP-Enfance souscrit pleinement au constat et s’associe aux demandes formées par Mme Pauline BOURGOIN et son conseil dans cette lettre ouverte, notamment quant à l’impérative nécessité d’en finir avec les explications bien commodes du « conflit parental », qui ne servent en réalité qu’à masquer l’incapacité des professionnels d’approfondir l’écoute de l’enfant et l’examen des pièces du dossier.
Plus grave encore, la juge des enfants interprète dans cette affaire le classement sans suite prononcé par le Procureur de la République comme une preuve de l’innocence du père, ce qui est un contre-sens juridique total en ce qu’un classement sans suite n’a jamais autorité de chose jugée.
Et c’est à partir de ce contre-sens, qu’un droit de visite libre est accordé au père, malgré la mesure d’instruction en cours et les alertes des professionnels proches de l’enfant.
CDP-Enfance sollicite, comme les autres associations membres du Collectif pour l’Enfance, qu’une protection immédiate de l’enfant puisse être apportée dès le début de l’enquête pénale.
Il s’agit de :
- rendre automatique et sans délai la saisine d’un Juge aux Affaires Familiales par le Procureur de la République dès réception d’une plainte ou d’un signalement afin qu’une suspension des droits du parent mis en cause puisse être ordonnée,
- mettre rapidement l’enfant à l’abri des violences dès que celles-ci sont vraisemblables et que le maintien de rencontres avec le parent accusé le mettrait en danger (sur le modèle de l’ordonnance de protection permettant à une femme victime de violences d’obtenir l’éloignement du conjoint violent),
- Faire primer, comme l’a encore rappelé la Cour européenne des Droits de l’Homme, le droit de l’enfant sur le droit à l’enfant.
L’autorité judiciaire doit impérativement arrêter de faire peser le risque sur l’enfant en cas de révélations de violences !
Contact :
Pascal CUSSIGH : 06-10-71-29-28
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre de la Justice,
Madame la Ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes,
Madame la Ministre de l’Enfance,
Monsieur le Président du Conseil départemental du Loiret Le 9 décembre 2022,
Je souhaite revenir sur une affaire judiciaire grave, bouleversante, qui illustre une dérive très
inquiétante des juridictions et de notre société. Une affaire qui symbolise une des grandes
maltraitances institutionnelles envers les femmes et les enfants victimes. Il s’agit de « l’affaire
Pauline BOURGOIN ».
Tout commence en janvier 2022, lorsque la crèche de Louise (alors âgée de deux ans et demi),
signale des suspicions de violences sexuelles sur l’enfant. Louise est terrorisée, tremble au moment
du change avec chaque assistante maternelle depuis un retour de week-end chez son père. Elle
exprime avoir peur de quelqu’un qui lui fait le change, quelqu’un qui ne se trouve pas à la crèche.
Elle pleure quand on lui demande de désigner la personne. Alertée, Pauline dialogue avec sa fille
qui confie alors un viol que lui aurait fait subir son père. Louise se confie également à une
pédopsychologue.
Pour protéger la petite fille, la Justice est saisie. Mais, contre toute attente, le 24 mai 2022 le Juge
des enfants ordonne le placement immédiat de l’enfant. Pauline s’effondre au tribunal pendant que
Louise est arrachée de la crèche, sans même pouvoir dire au revoir à sa maman, sans qu’on emporte
son doudou, sans repasser par sa maison. Le jugement prévoit qu’elle voie sa mère une heure toutes
les deux semaines, en présence de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Les motivations de ce placement ? Une mère « à l’écoute des besoins de sa fille mais parfois dans l’excès », une mère à qui l’enfant n’obéit dans l’immédiat pour mettre ses chaussures, et surtout, une situation de violences intra-familiales décrite à tort par la juridiction comme un « conflit parental » dont il faut extraire l’enfant.
C’est dans ces conditions que Pauline BOURGOIN, désespérée, me contacte pour que je l’aide à
récupérer et protéger sa fille. Au terme d’un parcours du combattant, nous avons pu obtenir la décision d’un retour de Louise chez sa mère, ce dont, bien sûr, nous nous réjouissons, bien que ce soit dans le cadre d’un DAPAD, c’est-à-dire en restant sous le contrôle de l’ASE.
Mais il est nécessaire aujourd’hui que je sorte du silence sur la gravité de ce qu’ont traversé cette
petite fille et sa maman, sur l’absurdité dont elles ont été victimes, et sur les craintes et injustices
qui demeurent. Pendant ces longs mois, Louise, malgré les suspicions de violences sexuelles et le radical bouleversement de sa vie, ne reçoit aucun soin, aucun suivi psychologique. Elle passe par 5 familles d’accueil. Elle fait sa première rentrée scolaire sans sa maman, malgré la demande appuyée de cette dernière de l’accompagner. Elle est encouragée par nos institutions à entretenir un lien de plus en plus poussé avec son père, un père qui s’en est très peu occupé et qui soudainement, depuis les révélations d’inceste, veut apparaître comme un parent très investi, un père porté aux nues par l’Aide Sociale à l’Enfance, un père qu’elle a pourtant dénoncé.
A même pas 3 ans, elle est séparée avec une extrême brutalité de sa mère, le parent qui l’a élevée
quasiment seule depuis sa naissance, le parent à qui elle s’est confiée, le parent qui veut la protéger
et que les institutions n’ont de cesse de remettre en cause, abîmant le repère et le lien le plus
sécurisant de l’enfant.
Pauline et Louise sont, comme beaucoup d’autres mères et enfants, victimes d’un processus
dysfonctionnel d’inversion des culpabilités qu’une Justice et des institutions anti-victimaires, non
sensibilisées à la problématique des violents conjugaux et influencées par le concept de « syndrome
d’aliénation parental » aujourd’hui décrié, ont enclenché.
Les associations de protection des enfants et des femmes victimes s’indignent de la situation et se
mobilisent à nos côtés. Les journalistes et réseaux sociaux nous aident à porter à la connaissance du public le drame qui se joue à Orléans pour cette mère et son enfant.
Un coup d’arrêt est donné par la Cour d’appel qui, au terme d’une longue audience à laquelle nous
sommes très attentivement écoutées, remet un peu de bon sens, d’humanité et de Droit dans cette
situation intolérable. Les intervenants de l’Aide Sociale à l’Enfance comprennent que l’acharnement auquel ils se livrent impunément contre Pauline BOURGOIN doit cesser. Parce que c’est au péril d’un enfant. Parce qu’ils ont été manipulés. Lorsque cette affaire revient devant le Juge des enfants, le 25 novembre, la donne a changé.
Pour la première fois, l’ASE délivre un rapport en faveur d’un retour de l’enfant chez sa mère.
Par ailleurs, une Mesure d’Investigation Judiciaire rend des préconisations très claires : retour de
Louise chez sa mère et visites médiatisées du père. Sont relevées la dangerosité du père de Louise, sa haine envers Pauline à l’encontre de laquelle est même craint un « passage à l’acte », sa « velléité pathologique de nuire à Madame », sa « satisfaction » de savoir sa fille placée, et son souhait qu’elle le reste.C’est donc plusieurs mois après le placement de Louise qu’enfin, les professionnels de l’enfance
mettent le doigt sur la situation et sur ce que Pauline criait sans qu’on ne veuille l’entendre à des
institutions auxquelles elle demandait protection. Il s’agit d’un cas classique de violences post-
séparation dans lequel le violent-conjugal, après la séparation, continue de s’en prendre à la mère à
travers l’enfant, et détourne des institutions censées protéger les victimes en utilisant les concepts
de « conflit parental » ou de « syndrome d’aliénation parentale ».
Mais la Justice a du mal à se dédire. Lors de l’audience du 25 novembre, le « conflit parental » est à nouveau brandi. Pauline est à nouveau dénigrée. On lui reproche d’avoir acheté une licorne à sa fille après l’avoir disputée et avant de la ramener dans sa famille d’accueil, on valorise Monsieur et on occulte tout ce qui démontre sa dangerosité. Nécessairement tenue par les rapports, mais peut-être aussi par l’impulsion donnée par la Cour d’appel et par l’indignation extérieure que cette affaire a pu susciter, la juridiction décide tout de même du retour de Louise chez sa mère, mais au terme d’une audience inhumaine, et en prenant soin de rendre une décision particulièrement critique à l’égard de Pauline BOURGOIN, cette mère qui a osé se battre contre l’Institution.
Évidemment, cette décision est une nouvelle victoire contre l’injustice qui sévissait depuis le 24 mai
dernier. Mais Pauline et Louise ne sont pas encore sorties du cauchemar. La menace plane.
• Louise n’a toujours pas pu retourner dans sa maison auprès de sa mère, et ce pour des raisons administratives et organisationnelles. Le fonctionnement de l’ASE pose alors question. D’une part, pendant ce temps où Louise est maintenue en famille d’accueil, elle occupe la place d’enfants maltraités qui auraient besoin d’être protégés. D’autre part, rappelons-nous qu’il avait été possible de placer Louise en moins d’une heure.
• Malgré les préconisations de la Mesure d’Investigation Judiciaire Educative et celles de
l’ASE, le père de Louise peut la recevoir un weekend sur deux à son domicile, sans contrôle.
Louise n’est donc pas protégée.
• La mère de Louise, elle, est en sursis : « Il sera rappelé à Madame la nécessité d’une collaboration
pleine et entière dans le cadre de ce DAPAD et que l’apparition de
toute difficulté fera l’objet d’une note écrite et circonstanciée par le service éducatif qui pourra justifier le placement institutionnel immédiat, le cas échéant dans l’urgence et sans audience. ».
Tout est dit : Pauline BOURGOIN est condamnée à se taire ou à perdre son enfant une deuxième fois. La menace d’un placement immédiat, sans audience, et sans respect du droit est brandie.
Mais Pauline BOURGOIN ne peut se taire. Et moi non plus. J’ai traversé avec ma cliente les longs mois de détresse, de combat, d’injustice, de révolte. J’ai assisté à l’acharnement dont elle a été victime par un auteur de violences conjugales utilisant des institutions dysfonctionnelles.
J’ai vu cette mère traverser le drame le plus inhumain, celui de se voir arracher son enfant
injustement. Elle l’a traversé avec une force inouïe, et elle mérite aujourd’hui la tranquillité, la
sécurité, et le bonheur familial. J’ai vu cette enfant injustement privée d’une mère aimante, cadrante, sécurisante, attentionnée, intelligente, qui la chérissait depuis sa naissance.
Aussi, je demande aux pouvoirs publics de veiller à ce que les moyens soient donnés à l’Aide Sociale à l’Enfance afin d’organiser le retour de Louise au domicile maternel au plus vite, dans l’intérêt de l’enfant.
Je demande à ce qu’une communication intervienne afin de faire cesser l’acharnement institutionnel contre le parent protecteur. Je demande à ce que les suspicions d’inceste fassent l’objet d’une réponse judiciaire adaptée et que le déni social de l’inceste ne conduise plus à ignorer la parole des enfants,
et à discréditer le parent qui entend cette parole, conformément aux préconisations de la
Commission Indépendante de l’Inceste et des Violences Sexuelles faites aux Enfants.
Avec mon profond respect
Pauline RONGIER
Avocate au Barreau de Paris
10-12 AVENUE RACHEL – 75018 PARIS
T : 06.89.21.15.06 – F : 01.53.01.28.28
cabinetpaulinerongier@olivier
Des associations de protection contre les violences intrafamiliales soutiennent Pauline BOURGOIN, et
plus largement la cause.